Intérêts composés, intérêts à recomposer (Ecofin Mag)

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Par Etienne de Callataÿ, Économiste et cofondateur d’Orcadia Asset

Management. Dans des circonstances normales, le cerveau humain a tendance à penser que le changement entre aujourd’hui et demain sera de l’ordre du changement entre hier et aujourd’hui. Soumis à un test où il s’agit de compléter…

Si nous sommes habitués à procéder de la sorte, nous avons en revanche beaucoup plus de mal à se figurer ce que peut être une extrapolation exponentielle, où après être passé de 2 à 4, on irait à 8, puis à 16. Or, c’est ce qui se passe quand un virus se propage avec ce fameux coefficient R supérieur à l’unité. Si chaque contaminé contamine à son tour plus d’une personne, on est confronté à un effet d’amplification.

Ce phénomène n’est pas propre à l’épidémiologie. En économie comme en entreprises, les évolutions non linéaires sont omniprésentes. C’est notamment le cas avec les finances publiques, lorsque l’on parle de l’effet boule de neige: sous certaines circonstances, les charges d’intérêt sur la dette publique conduisent à un tel déficit budgétaire que gonfle la dette publique, ce qui, à son tour, alourdit les charges d’intérêt, et ainsi de suite avec, potentiellement à la clef, un phénomène «explosif». Et ce qui est vrai pour les États est aussi vrai pour les entre-prises et les ménages qui peuvent être emportés dans la spirale de l’endettement.

L’effet cumulatif ne joue pas qu’en négatif. Supposons un taux d’intérêt de 10% (certes, on est loin du compte aujourd’hui). Un capital de départ de1000, devenu 1100 après 1 an, ne se transforme pas en 1200 après 2 ans mais en 1210. Et après 3 ans, ce n’est pas 1300 mais 1331. Et après 7 ans, ce n’est pas 1700 mais près de 2000. C’est ici la fameuse règle dite des intérêts composés qui veut que les intérêts sur un capital génèrent à leur tour des intérêts.

Les petits font des petits. En finance, c’est positif pour l’épargnant et négatif pour l’emprunteur. Avec un virus, c’est a priori négatif pour tout le monde… mais il y a du positif si cela accélère la transition environnementale et met la Maison Blanche en de meilleures mains. Et qu’en est-il des faillites de sociétés, qui, elles aussi font des petits, quand la cessation involontaire brutale d’une entreprise en plonge deux dans les plus grandes difficultés, ce qui, à son tour, entraîne la culbute de quatre autres. Ici aussi, le négatif saute aux yeux. Sur le plan individuel, la faillite est cruelle, souvent in-juste et idiotement stigmatisante. Mais, sur le plan collectif, sans en revenir aux vertus de la saignée, il faut accepter que la faillite libère des ressources comme des parts de marché, ce qui peut servir l’intérêt général. De plus, la contamination a ici son antidote: la fin d’une entreprise augmente les chances de survie de son concurrent. Telle est la terrible loi d’airain de l’économie, celle de l’inté-rêt à recomposer.

Source : Ecofin Mag
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