Financial spotlight – Mars 2022

Spotlight
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CONTEXTE MACRO-ECONOMIQUE : Que faire quand nous savons ne pas savoir ?

En regard de l’horreur qui a saisi les Ukrainiens, il est forcément futile, voire indécent, de s’interroger sur les conséquences macroéconomiques et financières de l’invasion russe et des discours belliqueux qui l’accompagne.

Sans que cela les justifie, et même si le doux commerce de Montesquieu est un bien meilleur calcul que l’option de la force et de la violence, il est des guerres qui ont un fondement de rationalité économique, tel l’accès à des ressources naturelles ou à des voies de transport. Il n’en est rien ici, et d’autant moins que Moscou avait déjà la maîtrise de la zone industrielle du Donbass, constituée des oblasts de Donetsk et de Louhansk. Economiquement, la Russie sera, après l’Ukraine, la première victime, de la guerre qu’elle a choisi de déclencher. Cela participe à rendre la motivation de V. Poutine plus obscure, et donc la formulation d’un scénario d’évolution de ce conflit encore plus hypothétique. Et du point de vue des pays de l’OTAN, il est tout autant difficile d’avancer un scénario baé sur ce qui serait forcément la bonne stratégie. Il peut être argumenté en faveur d’une attitude dure, pour prévenir les vraisemblables velléités, dans le chef de Moscou, de reprise de contrôle d’autres espaces géographiques de l’ancienne URSS, et l’attention doit ici se porter sur les pays baltes. Simultanément, il peut être tout autant argumenté en faveur d’une position conciliante d’acceptation d’un « standstill » – ou moratoire – dans la configuration de l’OTAN et de « finlandisation » de l’Ukraine, assortie d’une forte décentralisation dans l’organisation du pays.

Loin de se lancer, chacun, dans les pronostics sur les suites de l’agression russe, il faut savoir que nous ne savons pas, mais ceci ne permet pas de faire l’économie d’une réponse à la question légitime qu’est comment gérer son patrimoine, et celui de celles et ceux qui vous font confiance, dans de telles circonstances. Il est deux approches extrêmes. La première est de réduire l’exposition au risque des portefeuilles, et d’investir dans des actifs dits refuges, tels que sont supposés l’être certains actifs, notamment certaines monnaies, certaines obligations souveraines et certaines matières premières. La seconde est de profiter de la panique de la première et de suivre la recommandation du dicton bien connu, « acheter au son du canon ».

L’histoire donne raison à la seconde. La crise des missiles russes de Cuba en 1962, l’arrivée des Russes en Afghanistan et, plus récemment, l’invasion du Koweït par l’Iraq en 1990 et l’intervention des Etats-Unis dans ce dernier pays en 2003 ont vu de rapides rebonds boursiers faire suite à des mouvements de peur. La crise des missiles et aussi la course aux armements, avec la crise des euromissiles, sont, par rapport aux tensions actuelles, des points de comparaison intéressants car impliquant eux aussi la menace atomique. C’est bien entendu là que réside l’enjeu majeur derrière l’attaque de l’Ukraine par la Russie. A nos yeux, en effet, ce n’est pas le potentiel productif de l’Ukraine et, surtout, de la Russie qui sont majeurs, même si c’est sur eux que s’est concentrée l’attention politico-médiatique.

Même si la somme de ces deux pays ne représente vraiment pas grand-chose dans le PIB mondial, et avec des difficultés structurelles majeures, de la démographie à la dépendance aux énergies fossiles, Russie et Ukraine détiennent une large part dans la production de titane, d’uranium, d’aluminium et de nickel, mais aussi de tournesol et de blé (avec des pays comme l’Egypte, l’Indonésie, l’Algérie ou le Liban en bons clients) et encore, bien entendu, de gaz et de pétrole, dont il a été abondamment question. De graves perturbations dans la production ou dans la commercialisation de telles production auraient certainement un effet négatif sur l’activité économique (et désastreux sur certaines populations, pour de qui est de l’alimentation), mais, quitte à paraître cynique, ceci n’est pas de nature à justifier une amputation durable de l’économie mondiale d’un pourcentage autre que très limité, ni donc une chute des bourses supérieure à ce modeste poids.

Le cas de l’énergie est emblématique : à l’échelle de la planète, nous ne manquons ni de gaz, ni de pétrole. A dire vrai, il y en a trop, et non trop peu. S’il y a une dizaine d’années encore, d’aucuns, dans l’analyse des chocs auxquels il fallait se préparer, faisaient grand cas de la théorie de « peak oil », à savoir l’épuisement de la ressource pétrolière, nous savons aujourd’hui que l’avenir du gaz et du pétrole est largement de rester inexploités ! En agissant comme il l’a fait, V. Poutine a non seulement resserré les liens de l’OTAN et ouvert les yeux sur notre complaisance, à Londres comme à Nice, avec l’argent des amis de nos ennemis, mais il offre un argument de poids pour encore accélérer la transition vers les énergies renouvelables. Celles-ci ont non seulement la vertu d’être propre, elles ont aussi l’immense avantage d’être décentralisées. Elles rendent autonomes par rapport à des régimes autocratiques et expansionnistes. Dans ce contexte, on peut raisonnablement tabler sur l’envie des pays exportateurs de gaz et de pétrole de chercher, tant qu’il est encore temps, à profiter le plus possible de cette manne budgétaire. Dans un premier temps, l’énergie sera chère, mais une offre de substitution émergera. Dans la durée, ce renchérissement, loin d’être de nature à durablement nuire à l’activité économique mondiale, accélérera la transition énergétique.

Les menaces que fait planer le Kremlin sont réelles mais elles ne sont pas une réalité nouvelle. Prenons-les en compte mais sans se faire tétaniser.

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Etienne de Callataÿ – etienne.decallatay@orcadia.eu
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