Financial spotlight – Mai 2021

Spotlight
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CONTEXTE MACRO-ECONOMIQUE : Bidenmania, ou les humeurs politiques des marchés financiers

Si la bourse a rebondi depuis mars dernier, c’est largement grâce aux actions politiques qui ont été menées sur les plans budgétaire, monétaire et réglementaire. Il semble donc logique que les marchés financiers s’intéressent de près à l’actualité politique et réagissent à des signes d’inflexion dans la conduite des affaires publiques. Si un resserrement budgétaire ou monétaire devait brutalement revenir sur l’agenda du possible, les bourses s’en ressentiraient, et lourdement.

En même temps, le poids qu’elles donnent aux événements politiques du genre « élections » ou « référendum », est le plus souvent exagéré. Souvenons-nous de la surprise de juin 2016, quand il est apparu que le Brexit l’emportait sur le Remain. Nous avons assisté à une chute spectaculaire des grands indices européens : la journée du lendemain, le vendredi 24 juin, s’est clôturée par une perte de 7% à Francfort, de 8% à Paris et de 12% à Madrid et à Milan. Comme s’il était raisonnable de s’attendre à ce que les bénéfices des entreprises cotées subissent dans la durée une telle contraction !

Marchés et analyse politique

Les marchés financiers se montrent trop sensibles aux scrutins politiques, semblant perdre de vue les contraintes, contre-pouvoirs et forces de rappel qui vont que les changements en termes de politiques effectivement mises en oeuvre sont souvent moins spectaculaires que les slogans des meetings de campagne. De plus, les changements réellement mis en oeuvre sont loin de toujours résister à l’épreuve du temps. Souvenons-nous ici du « retour du coeur » en Belgique, au tournant des années 90, qui a été suivi par l’austérité d’avant l’introduction de l’euro ou le contre-virage que François Mitterrand a été amené à prendre dès 1983.

Les marchés financiers commettent fréquemment une seconde faute en termes d’analyse politique, en se trompant sur le caractère favorable ou défavorable de tel candidat et de tel programme. Ainsi, un agenda social ou environnemental plus ambitieux sera perçu comme forcément négatif pour la rentabilité des entreprises, alors que cela peut parfaitement ne pas être le cas.

Bidenmania

S’il est opportun de traiter de ceci aujourd’hui, c’est parce que la Bidenmania semble avoir aussi conquis Wall Street. Que les marchés soient impressionnés par ce qui se passe à la Maison Blanche se comprend, car tout le monde l’est. Sans prétendre à l’exhaustivité, retenons ceci :

₋ Le succès logistique inouï de la campagne de vaccination. L’objectif a priori hors de portée de 100 millions de vaccinés en 100 jours a été atteint en … 58 jours ! L’Etat sait être efficace ;

₋ La détermination dans le soutien de la conjoncture, quitte à « pousser les murs », avec un plan de USD 1900 milliards s’ajoutant à celui de fin 2020 de USD 900 milliards ;

₋ L’ambition de dynamiser les investissements publics, avec un plan à USD 2000 milliards pour des infrastructures qui ont souvent été délaissées par manque de vision de moyen terme ;

₋ La volonté de se dépêcher pour préserver ce qui peut l’être en matière de climat et de biodiversité, avec un objectif de réduction des émissions de CO2 porté de « -26% à -28% » d’ici 2025, cible fixée par Barack Obama en 2015, à une contraction de 50% d’ici 2030 ; en outre, Joe Biden a fait remonter les Etats-Unis sur la scène environnementale internationale, avec un Sommet virtuel aux annonces majeures et avec un effet d’entraînement de premier ordre, tant sur d’autres pays que sur les entreprises, notamment du secteur financier ;

₋ La fermeté sur le front géopolitique, vis-à-vis de la Chine et de la Russie, et aussi d’autres pays, dont la Turquie, avec une reconnaissance du génocide arménien qui met les principes avant les intérêts de court terme (des principes et une qualité qui l’auraient fait ne pas être assis devant Mme von der Leyen !) ;

₋ La préoccupation d’oeuvrer à la cohésion sociale, au travers de l’orientation sociale de la relance et aussi en promouvant un relèvement de la taxation des bénéfices des entreprises et des plus-values des particuliers et une coopération internationale pour empêcher des multinationales de pratiquer une optimisation fiscale agressive.

Bourse et bien commun

Du point de vue des marchés d’actions, ce dernier point, relatif à la fiscalité, est particulièrement saillant. Il aurait été attendu qu’ils perçoivent négativement de telles politiques qui auront pour effet immédiat d’amputer les bénéfices après impôt. Or, il n’y en a rien été, la bourse américaine ayant encore progressé depuis le début de l’année. Il faut se réjouir doublement, d’abord, bien sûr, de la hausse et, ensuite, de sa motivation. En effet, une telle hausse « malgré » de telles mesures montre que les marchés ont compris que ces dernières étaient, en fait, dans la durée, bénéfiques pour l’économie.

L’économie n’a rien à gagner de distorsions fiscales qui font que l’entreprise qui peut déplacer sa base imposable vers une juridiction moins taxée bénéficie d’un avantage compétitif. Il faut que le meilleur gagne, pas celui qui jouit d’un avantage fiscal. L’économie n’a rien à gagner à voir les plus grandes entreprises avoir les moyens de racheter les entreprises qui pourraient un jour leur faire concurrence, car cela mine les gains de productivité d’après-demain. L’économie n’a rien à gagner d’inégalités qui entravent l’accès à l’éducation supérieure ou la mobilité sociale, qui sapent la confiance envers les institutions et qui conduisent à des dépenses de sécurité improductives.

Nous savions que « le paradis social ne se construit pas sur un désert économique », et cela reste vrai, mais nous voyons aujourd’hui la bourse comprendre que l’inverse est vrai aussi. « On ne construit pas une prospérité économique sur un cimetière social ou écologique ». L’acceptation de notre interdépendance collective, la compréhension de la convergence des intérêts entre profit, droits sociaux et environnement, et le dépassement du clivage usuel entre efficacité et équité, voilà ce que la réaction de la bourse aux 100 jours de Joe Biden laisse espérer. A l’heure du bicentenaire de la mort de Napoléon, notre conviction est que ces 100 jours-ci s’inscriront dans la durée, à la différence de ceux de 1815. A son tour, celle-ci participe à la justification d’une – légère – surpondération des actions dans un portefeuille mixte.

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Etienne de Callataÿ – etienne.decallatay@orcadia.eu
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